Déploiement et upgrade possèdent leurs lots de contraintes logistiques. Pour autant, une fois le site en service, elles ne sont pas moins importantes. Généralement, un site On Air est synonyme de source de revenus. Ils sont le fruit de l’utilisation des équipements installés par les clients abonnés de l’opérateur. Aussi, une rupture de service entraîne nécessairement d’une part, l’arrêt des recettes de ce site et d’autre part un risque potentiel de fuite des clients à la concurrence. Soit, un impact financier direct à effet immédiat, et indirect à moyen terme, favorisant le handover client.  La continuité de service avec le maintien d’un niveau de qualité ciblé constitue donc un enjeu majeur pour les équipes opérationnelles. Florian Gayraud, Projects Director et spécialiste de la Supply Chain chez ITD, identifie les challenges logistiques en phase de service.

L’impact du parc d’équipements

Comment le parc d’équipements impacte-t-il la logistique des opérations et leur maintenance ? Plusieurs facteurs sont à prendre en considération. Ils sont communs à différentes industries au sein desquelles le matériel et les équipements participent directement à la création de valeur. Ces facteurs interviennent sur l’indicateur principal de gestion d’un parc : la diversité. 

Diversité du parc

La diversité caractérise à la fois l’étendue fonctionnelle couverte et aussi la multiplicité des équipements qui délivrent les services. Dans le cas de l’industrie des télécommunications, l’étendue fonctionnelle est globalement limitée par les technologies 2G, 3G, 4G, 5G, ainsi que leurs solutions techniques de radio et de transmission. Pour autant, de nombreuses références d’équipements permettent de fournir ces services. Plus il y a de générations d’équipements, de fabricants, ou encore de systèmes, plus il y a de références à maintenir. 

Hétérogénéité des équipements

Le vieillissement du parc et son hétérogénéité grandissante apporte son lot de contraintes supplémentaires. De facto, cela nécessite une augmentation des stocks afin d’assurer la disponibilité des produits pour tous les modèles. De nouveaux systèmes permettant de gérer plusieurs technologies à la fois constituent une piste intéressante d’harmonisation du parc. Par voie de conséquence cela réduit à la fois le nombre d’équipements installés et le nombre de références de pièces détachées à conserver.

Le choix des pièces détachées, doit-on tout stocker? 

Introduire une phase d’analyse dans le cycle d’achat

Un travail d’analyse initial est nécessaire avant le déploiement de nouveaux équipements. L’objectif est d’identifier la stratégie opérationnelle de maintenance et de stockage des pièces détachées correspondantes. Les retours d’expérience fournisseurs peuvent jouer un rôle important dans cette détermination et doivent s’appuyer sur des faits tangibles. Il est à noter, qu’à première vue, fournisseur et client ont tout à gagner à identifier un tel équilibre. En effet, une analyse conjointe met en évidence les faiblesses d’un équipement d’un côté et le volume de commande de pièces détachées de l’autre. Cette analyse doit être renouvelée et adaptée à chaque nouvelle version d’un équipement. 

Évaluer les défaillances et la disponibilité

En premier lieu, elle doit pouvoir répondre à une analyse de risque de défaillance mettant en corrélation probabilité et criticité (cf. schéma ci-dessous):
  • Quelle est la probabilité d’apparition?
  • Quel est l’impact sur le service en cas de défaillance de la pièce?
  • Un mode dégradé existe-t-il?
Elle doit aussi prendre en compte une analyse de la disponibilité des équipements identifiés. C’est à dire la facilité d’approvisionnement de la pièce en cas de défaillance (cf. schéma ci-dessous):
  • Est-ce une pièce sur mesure?
  • Il y a t-il plusieurs fournisseurs potentiels? 
  • La pièce est-elle disponible chez le fournisseur?
  • Un envoi express est-il possible?
  • Plus globalement, quel est le lead time du cycle d’approvisionnement?
Enfin, l’analyse financière est aussi primordiale. L’impact comptable d’une défaillance dans sa globalité devant être rapporté au coût de stockage (coût d’acquisition, coût d’emplacement stock, coût d’obsolescence entre autres) du matériel de rechange.

Manager l’état du service

Connaître l’état du service, c’est en effet l’information indispensable pour pouvoir organiser une réaction proportionnée et efficace. 

Alerte de dégradation du service

L’identification des problèmes lors de leurs apparitions et le processus de qualification inhérent ont un impact immédiat sur la capacité à rétablir rapidement le service. Les logiciels OSS (Operations Support System) de gestion du réseau de l’opérateur alertent en cas d’incident sur les équipements actifs. Concernant les équipements passifs, le monitoring est plus complexe à mettre en œuvre. Il existe des systèmes d’IoT ou de capteurs qui partagent l’état en temps réel. Toutefois, ces systèmes sont onéreux et peuvent nécessiter une infrastructure spécifique.

Centraliser les informations et décider rapidement

Quelles que soient les solutions d’alerte et d’identification mises en œuvre, la gestion de ce processus d’identification, qualification, et traitement joue un rôle primordial. Plus vite la chaîne de décision permet l’intervention d’un technicien, plus rapidement le service est rétabli. La gestion des informations – entre autres :
  • Site concernée
  • Conditions d’accès
  • Organisation du lieu y compris ses particularités
  • Équipements impactés
  • Source de la panne
  • Criticité
constitue le levier de rapidité pour faciliter l’action de maintenance corrective.

Comment réduire le temps de shutdown?

La réduction du temps d’arrêt du service est une priorité opérationnelle et commerciale. 

Organiser la chaîne opérationnelle

L’organisation de la maintenance corrective, la maîtrise du processus associé et plus globalement la gestion des flux d’information sont déterminants. L’organisation des zones et la répartition par équipes sous-traitantes ou internes doivent être effectives. Le processus doit permettre l’interaction entre l’équipe responsable (Opération et Maintenance) et les acteurs de terrain sous-traitants ou techniciens. Les flux d’informations constituent la référence commune garantissant la qualité de l’échange entre les acteurs. 

Utiliser le même référentiel

Ainsi, la base de données partagée doit être fiable et refléter la réalité terrain. A cette fin, le suivi des équipements immobilisés (CAPEX) – un article spécifique est consacré à la gestion des assets  – apporte des informations nécessaires dont notamment : 
  • les sites sur lesquels ils sont installés
  • leur référence produit et caractéristiques fournisseur
  • les réparations déjà effectuées
  • les garanties en cours
En préparation de l’intervention, le technicien s’appuie sur la qualification de la panne (issue de l’OSS, ou d’une intervention préalable) et de la référence produit pour cibler immédiatement les actions correctives à réaliser. En conséquence, il peut déterminer les pièces défectueuses à changer ou réparer. Il se présente ainsi sur site avec le bon produit et rétablit le service.

Stockage central ou local?

Au-delà de la décision de stocker ou non une pièce détachée, comme évoqué précédemment, la localisation du stock impacte aussi directement le délai de remise en service. L’analyse de la fréquence d’incidents induit la stratégie de localisation du stock. Plus la fréquence est élevée, plus la décentralisation du stock est pertinente, voire même à en laisser la gestion au sous-traitant local. Toutefois, ce schéma réduit la visibilité du stock global, tout en augmentant le niveau et les charges associées. Les pannes courantes de petites pièces doivent pouvoir être gérées directement sans qualification préalable. Le stock de pièces de rechange accompagne alors le technicien de maintenance dans son véhicule.

Rétablir le service c’est bien, éviter l’arrêt c’est mieux

Très exigeant, le fonctionnement de la maintenance corrective n’est que peu satisfaisant. Les risques de défaillance sont nombreux, les cas d’incident sont multiples et les actions à organiser pour la remise en service sont très diverses selon la panne. Définitivement, la maintenance corrective est dépassée par les enjeux de maintien de la qualité de service. Toutefois, les efforts ne sont pas vains, tant ils permettent de collecter des données réelles, utiles pour organiser une maintenance préventive, voire prédictive. L’application de méthodologies Lean, d’analyse de risque et de processus d’amélioration continue permettent d’appréhender les situations avec une nouvelle approche. Elles maximisent la qualité de service et simplifient le pilotage des opérations, en apportant plus de sérénité.